Ladies

J’avais juste une vingtaine d’années quand nos chemins se sont croisés à Londres. Elle était maquettiste et moi j’étais une toute jeune assistante des droits étrangers chez Random House.

A cette époque internet balbutiait et je garde encore en tête le bruit du modem qui se connecte à la toile mondiale, le fax nous permettait de rester en contact avec les éditeurs étrangers. Je connaissais tous les préfixes de tous les pays par cœur. Elle, elle travaillait sur une grande table dans le studio. Elle préparait les couvertures des beaux livres, les coffee table books, à l’ancienne en faisant des découpages et des collages en écoutant de la musique, du jazz. Il n’y avait pas d’ordinateur dans ce studio. Les graphistes et la PAO faisaient une timide apparition. J’aimais la retrouver et m’assoir sur le grand tabouret à côté de sa table de travail with my cup of tea. On discutait de tout et de rien, elle me montrait ses travaux. Elle avait les cheveux rouge vif, ou bleu ou violet. Elle portait des grandes robes colorées et des sautoirs tout aussi bariolés. Je ne connais pas son âge mais j’ai toujours aimé son regard amusé et bienveillant sur le monde. Elle chantait et fredonnait sans cesse.

Les années ont passé et elle a peu changé. Elle est aujourd’hui l’agent d’une chanteuse de Jazz, Sheila Jordan, 82 ans dans un mois. Sheila hier était sur la scène du New Morning, bon pied, bon œil, des mots drôles en VO et des chansons qui touchent. 82 ans ! Eighty might be the new Forty, non ?

Alors si cette semaine vous croisez dans les rues de Paris des Ladies avec des petits chapeaux en feutre rose vif et les cheveux assortis, embrassez les, ce sont sans doute Chris et Sheila.