Kitchmas

Je me souviens que durant mes années lycée, la décoration du sapin était une affaire sérieuse qui nous occupait maman et moi des heures voire des jours. Chaque année nous cherchions à pousser encore plus loin les limites du beau, du conceptuel de l’art sapinesque. Une fois le thème trouvé, nous faisions l’acquisition dès le 1er décembre d’un petit conifère odorant qui prenait fièrement la pose dans notre minuscule appartement. Je me souviens encore avec émotion de la fois où nous avions entièrement bombé en or métallisé le petit arbuste comme s’il avait été touché par la grâce et les doigts de Midas ou cette autre fois où nous l’avions enveloppé dans un long métrage de tulle blanc fermé par un énorme nœud de satin tel un cadeau féerique.

J’ai ensuite parfait mon œil et mon art sapinesque aux Etats-Unis en découvrant, éblouie, les magnifiques créations de Martha (je compulse encore avidement et avec nostalgie son Handmade Christmas), les arbres de Noël géants et les guirlandes électriques clignotantes.
Pendant mes années anglaises, je me suis laissée séduire par le classicisme de l’écossais, le vert et le rouge, les Christmas carols et puddings et puis et puis…
Et puis j’ai eu des enfants et il a fallu faire son deuil de la créativité et du sens du détail, du bon goût et de l’harmonie des couleurs.


Parce que, oui je l’affirme haut et fort, l’enfant est un facteur limitant à la beauté de Noël … Ho je vous vois froncer le sourcil…
Vous vous dites que j’exagère, que je suis totalement réac, que quand même Noël ça sent justement l’enfance et le feu de bois, le pin et les épluchures de mandarines. Et bien non l’enfant ruine tous vos efforts pour rendre à Noël sa splendeur. Son sabotage commence en général dès la maternelle. Le premier lundi de la deuxième quinzaine de décembre il vous rapporte fièrement un magnifique photophore en pot de yaourt orné de papier de soie violet et rose délicatement déchiqueté. Le jeudi c’est avec des étoiles dans les yeux et un magnifique père-PQ-noël en papier crépon et coton qu’il se jette sur vous. La semaine suivante une guirlande de glands vient rejoindre vos boules design achetées à prix d’or au MoMa de NY. A chaque offrande votre petit cœur de maman fond mais voilà le sapin n’a plus l’air de rien. Je vous laisse multiplier ces créations par le nombre d’enfants résidant à maison bastille et le nombre d’années de maternelle et je vous laisse imaginer le résultat. Votre sapin est entièrement recouvert de créations enfantines. Vous vous demandez même un instant pourquoi vous avez dépensé tant d’argent (le prix d’un sapin à Paris c’est un truc de dingue quand même…) pour quelque chose qu’on ne voit même plus. Puis arrive l’offrande suprême celle dont vous n’osiez même pas imaginer l’existence dans vos rêves les plus fous, la bûche de Noël en terre façonnée à la main par votre chère tête brune. Un objet qui laisse sans voix, un objet qu’il faudra ressortir chaque année et placer délicatement sur le manteau de la cheminée en espérant que personne ne vous demande de quoi il s’agit. Parce que, oui, il faut le dire une bûche façonnée à la main par une enfant de 5 ans et bien cela ressemble à un étron et forcément ça interpelle le visiteur. Ceci dit comme vous avez votre père-PQ-noël à porté de branche vous avez finalement une thématique terriblement originale.

Je me moque mais en fait je dois avouer que cette année au moment de l’ouverture du carton « Déco de Noël » j’ai été émue. Emue de les entendre commenter chacune des créations sus citées, vérifiant la signature de l’œuvre et se souvenant avec émotion de la classe et du maître avec qui elle avait été faite.


Alors que les enfants étaient couchés, je demandai à Monsieur Maison bastille s’il pensait qu’un jour on ne les mettrait plus sur le sapin. Il m’a dit qu’il imaginait très bien Monsieur P arrivant en costard après le travail le 24 décembre avec ses enfants se jeter sur le sapin pour vérifier que nous n’avions pas oublié d’accrocher sa boule en polystyrène avec son cure-dent-mât-de-bateau et son timbre Massoud fait en moyenne section avec Romuald.


Je crois que ces petits bouts d’eux vont nous suivre encore longtemps.