Contre coup et contre temps

Elles n’ont coulé qu’une fois dehors ces larmes trop longtemps refoulées. J’aurais peut-être dû les laisser jaillir avant, bien avant, mais devant cette fonctionnaire hautaine et suffisante c’était surtout la colère qui grondait. Mais, Maaaadame, Air France ne vous laissera pas embarquer sans vos papiers et il est très improbable que votre passeport soit prêt pour le 23. J’ai essayé d’expliquer que c’était Noël qu’il y avait des enfants et un sapin qui attendait qu’ « on » m’avait dit (une autre fonctionnaire aigrie et hautaine dans un autre bureau) qu’avec mes billets d’avion on pouvait voir si on pouvait accélérer le dossier. Mais elle ne voulait rien entendre : les passeports d’urgence c’était en cas de décès ou de raisons professionnelles comme si les rasions professionnelles pouvaient être plus importantes que le père-noël, le sapin de Mamie et la neige qu’on espérait.

Les larmes coulent encore car elles ont été trop longtemps étouffées.
Le contre coup de cet accident, la fatigue, le stress, le professionnel qu’il faut mener de front et souvent même avant toutes choses. Je sais au fond de moi que ce contre temps n’est qu’un prétexte, qu’on trouvera une solution. Mais j’ose espérer encore qu’il sera prêt ce passeport. J’ose espérer que s‘il ne l’est pas, l’hôtesse d’Air France comprendra et qu’elle acceptera comme tout papier d’identité ma carte famille nombreuse et mes livrets de famille. Que sous les yeux de mes enfants, elle me dira "Allez-y,Mmadame, Noël n’attend pas. Le sapin de Mamie, le bolduc sur les paquets, la neige annoncée sur les Pyrénées sont bien plus importants que les raisons professionnelles qui donnent droit à un passeport d’urgence."
Je crois que je vais les laisser couler encore un peu car elles me soulagent ces larmes enfin libérées